Ce blog est une plateforme d’expression et de réflexions sur l’actualité de la filière équine. Equistratis étant un think tank ouvert et pluriel, nous donnerons la parole à des acteurs socioprofessionnels de la filière sans parti pris. Il est essentiel que les interrogations, les désaccords mais aussi les idées puissent s’exprimer.

Il n’y a rien de plus têtu que les faits !



Le communiqué de presse du PMU du 10 janvier 2017 met en avant une relance de l’activité hippique assortie de prévisions optimistes, reposant notamment sur une croissance des paris à l’international, sur une dynamique des paris sportifs et des investissements dans les points de vente.

Equistratis ne peut pas avaliser un tel plaidoyer qui oublie de parler de l’essentiel, c’est-à-dire de la dégradation tendancielle qu’aucune décision stratégique intéressant l’ensemble de la filière, n’a su jusqu’à présent inverser.

Le rôle d’Equistratis est d’analyser les chiffres des courses hippiques afin que les acteurs professionnels comprennent les enjeux actuels. Voici quelques éléments de compréhension tirés d’une analyse réaliste des informations fournies par le PMU dans son budget 2017.

1) Les enjeux hippiques : tendance structurelle à la baisse avec des facteurs compensatoires insuffisants jusqu’en 2016 et incertains en 2017

Les enjeux hippiques sont soumis depuis quatre ans à une baisse structurelle estimée par le PMU à 1 milliard d’euros, soit une tendance à la baisse de 250 millions d’euros par an, qui tend à s’accélérer depuis 2016.

L’essentiel de cette baisse est le fait des paris en dur, c’est-à-dire dans les points de vente du PMU, qui passent de 7,934 milliards d’euros en 2013 à 6,928 milliards d’euros selon le budget 2017.

Les compensations via le développement à l’international au titre des courses à l’étranger, les innovations, l’investissement dans les réseaux et l’amélioration de la programmation … n’ont pas atténué cette tendance structurelle, malgré la présentation du PMU.

Toutes ces voies de croissance cumulées n’ont représenté que 14 millions d’euros sur les quatre années, de 2013 à 2016, ce qui n’a donc pas compensé la baisse du montant cumulé des enjeux de 986 millions d’euros.

Autant dire que les décisions prises par le PMU n’ont jusqu’à présent pas permis d’enrayer le déclin.

Le PMU a beaucoup développé les paris sur les courses étrangères. Mais le PB de ces jeux est tellement faible qu’il faut se poser la question de leur intérêt, et ce d’autant plus que cela affecte l’image des courses.

Et les Produits Bruts des Jeux sont encore plus faibles sur les paris sportifs ou le poker. Notre avenir ne peut pas reposer sur des paris à rendement aussi faible.

Dès lors, il n’y a non seulement pas d’atténuation de la baisse des enjeux, mais remplacement de « bons enjeux » (c’est-à-dire avec des marges nettes rentables pour la filière) par des « enjeux dévalorisés » (c’est-à-dire avec de faibles marges nettes pour la filière).

C’est une autre version de la loi de Gresham qui dit, en économie monétaire, que la mauvaise monnaie chasse la bonne.

Où sont donc passés les paris hippiques de valeur ? C’est véritablement le sujet de fond. D’où la nécessité d’un travail de marketing plus en phase avec la réalité du terrain. La machine marketing semble s’être emballée au cours des dernières années. Il faut stopper cette course folle qui s’apparente à de la cavalerie marketing.

On n’en prend pas le chemin. Le PMU envisage pour 2017 une situation inverse.

La tendance de baisse structurelle reste calée sur une nouvelle chute de 400 millions d’euros mais elle est plus que compensée par une avalanche d’hypothèses optimistes se montant à +505 millions d’euros (cf. annexe 1), là où, en quatre ans, ces compensations n’ont atteint en cumul que 14 millions d’euros.

La situation actuelle est donc celle d’une érosion régulière. On passerait ainsi à une situation de rétablissement miraculeux, celle de « l’accélération stratégique » du rapport de Mc Kinsey ? Le PMU s’en inspire pourtant largement dans ses prévisions pour 2017.

2) Le Produit Brut des paris hippiques est artificiellement maintenu par une érosion régulière du Taux de Retour Joueur (TRJ) c’est-à-dire les gains que les joueurs retirent collectivement des paris hippiques.

En effet, comme le chiffre d’affaires du PMU diminue, ce dernier a choisi de maintenir son Produit Brut par une diminution du Taux de Retour Joueur.

Démonstration en 2016 :

Ainsi on compense la baisse des enjeux hippiques par une diminution équivalente de la somme qui revient au joueur, appelé le Taux de Retour Joueur (TRJ).

Le TRJ global se situe désormais à 72,8% des enjeux, mais rappelons que cette moyenne cache des disparités fortes et lourdes de conséquences : Le TRJ est de 84% pour le Simple et de 73% pour le Couplé qui représentent près de 50% des enjeux. Il se situe entre 62% et 67% pour les autres jeux.

Par comparaison, l’attractivité du retour au joueur pour les paris sportifs et le poker est plus forte, avec respectivement de 81,7% et de 97,3%, mais avec une rentabilité faible pour le PMU, voire négative si l’on tient compte des investissements. Ce sont malheureusement les ressources des paris hippiques qui assurent le financement de paris sportifs et du poker. C’est pourquoi il faut se garder de faire croire que les paris sportifs et le poker vont compenser la chute des paris hippiques.

On est proche du seuil de rupture, à partir duquel les paris seront moins attractifs, quelles que soient les innovations apportées sur les types de jeu ou les bonus conjoncturels.

Cela ne veut pas dire que les efforts entrepris sont vains. Ils sont nécessaires, mais ne constituent que l’amorce d’un véritable plan stratégique de relance.

3) En conclusion, il faut souligner que :

  • la baisse tendancielle des enjeux n’est pas compensée,
  • plusieurs décisions stratégiques consistent dans le développement de jeux présentant des marges plus faibles,

A cet égard, il devient essentiel dans un souci de transparence et d’amélioration des décisions à venir que le PMU communique les coûts d’exploitation pour chacune des activités et en particulier pour les activités export et import1.

  • le TRJ diminue pour assurer le maintien de la marge brute mais que nous sommes arrivés aux limites du raisonnable,
  • et ce, d’autant plus, que pour maintenir un certain niveau d’enjeux hippiques ( même déclinant) le PMU a recours à une diversification de l’offre de jeu qui conduit à une dilution de la masse globale des paris. Dilution qui réduit mécaniquement les gains et par conséquent affaiblit l’intérêt des paris pour les joueurs.

C’est un cercle vicieux qui dure depuis trop d’années. Travaillons ensemble pour stopper cette fuite en avant.



Jacques CARLES
Délégué général d’Equistratis
Président de Carles et Associés



1 Les activités internationales dites à l’ « Export » sont constituées par l’ensemble des paris réalisés depuis l’étranger, essentiellement sur des courses françaises.
Les activités internationales à l’ « Import » sont constituées par l’ensemble des courses étrangères « diffusées » en France et sur lesquelles les joueurs français peuvent parier.

Annexe 1 – Définition des « facteurs compensatoires »

D’après le projet de budget 2017 du PMU, les facteurs compensatoires, source de chiffre d’affaires complémentaire, sont constitués par :

-des produits et services innovants (+114 millions d’euros)

Exemple : Les nouveaux produits généreraient + 40 millions d’enjeux nouveaux. Le nouveau Quinté, + 13 millions d’euros. Les paris par SMS, + 13 millions d’euros. La Carte, + 8 millions d’euros.

-des actions réseau PMU 2020 et le développement des PMU City rapporteraient 88 millions d’euros.

-la modification du prix des paris serait à l’origine de 71 millions d’euros.

-une augmentation des enjeux internationaux pourrait rapporter 58 millions d’euros.

-la baisse du taux de chômage et le retour de l’inflation pourraient être à l’origine de 45 millions d’euros de chiffres d’affaires supplémentaire.

-l’absence de grands événements sportifs ainsi que d’autres impacts conjoncturels non qualifiés pourraient générer 53 millions d’euros nouveaux.

-la densification du programme des courses rapporterait 29 millions d’euros.

-l’effet du Marketing Commun des Courses est estimé à 20 millions d’euros.

-la simulation commerciale du réseau PMU 2020.1 produirait 16 millions d’euros supplémentaires.

Enfin, une relance de l’activité Online pourrait faire gagner 12 millions de plus au PMU.
Il n’y a rien de plus têtu que les faits !

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