Ce blog est une plateforme d’expression et de réflexions sur l’actualité de la filière équine. Equistratis étant un think tank ouvert et pluriel, nous donnerons la parole à des acteurs socioprofessionnels de la filière sans parti pris. Il est essentiel que les interrogations, les désaccords mais aussi les idées puissent s’exprimer.

Cyril Linette : jusqu’où ira sa mission ?

Dès notre premier contact, Cyril Linette nous est apparu comme un homme habile et en mission … toute la question est de comprendre dans quel but ?

 En juillet, il a confirmé les analyses d’Equistratis, comme celle de nombreux joueurs en soulignant la nécessité de simplifier l’offre de jeux, de refondre le calendrier des courses, de réformer la gouvernance en centralisant les fonctions support et allant vers un pilotage ré-unifié.

 Lors de son intervention à Deauville fin août, nous avons retrouvé certaines de nos préconisations, telles que l’inexistence d’un cross-selling positif entre les paris sportifs et hippiques et le projet de se recentrer sur le cœur de métier du hippisme.

 Depuis son intervention sur Equidia jeudi dernier, sa mission parait plus claire. Il s’agit de « Nettoyer et Rentabiliser pour aller probablement vers un processus de privatisation », ce qui répond à l’intérêt de l’Etat mais pas à celui des Socioprofessionnels.

 Si les deux premiers objectifs « Nettoyer et Rentabiliser » sont louables, celui de la privatisation et de la suppression à terme des deux monopoles sur les paris et sur l’organisation des courses, permettra en fait à l’Etat de « se débarrasser » d’un dossier compliqué. Pourquoi ?

 Le rapport de la Cour des Comptes apporte la réponse « Les sociétés de courses sont incapables de faire des économies et surtout de définir une stratégie face [au] déclin ».

 Et si l’Etat a la co-tutelle, il n’a pas la main pour insuffler un code de bonne gestion aux Sociétés Mères qui « détiennent le pouvoir décisionnel au sein de l’Institution ». 

 Alors parce que la gouvernance actuelle ne démontre pas sa capacité à redresser la situation, la seule voie de sortie pour l’Etat est celle d’un changement de modèle, qui pourrait avoir un impact négatif sur le retour Filière et surtout sur la pérennité du modèle français des courses.

C’est pourquoi il nous a semblé important de revenir sur l’intervention de Cyril Linette et de souligner nos points d’accord, de désaccord et de vigilance que nous présentons dans l’article ci-dessous.

Le rayonnement de la Filière hippique française repose certes sur nos terres d’élevage d’excellence, mais trouve également ses fondations dans le modèle si spécifique de financement de la Filière. Et c’est ce modèle qui sera remis en cause, si un projet de privatisation-suppression du monopole est mis en œuvre.

Il reste une année aux Socioprofessionnels pour démontrer qu’ils sont capables de reprendre les rênes de leur destin, en élisant des représentants compétents et ouverts au changement.

 

Retour sur l’intervention de Cyril Linette

Des points d’accord, de vigilance mais aussi de désaccord

 

L’homme est habile et il a incontestablement une mission que l’on peut décrypter de la manière suivante :

« Nettoyer et Rentabiliser pour aller probablement vers un processus de privatisation ».

1)      Ne jamais critiquer le passé et donc les erreurs commises car elles sont le fait de la gouvernance des deux Sociétés Mères qui ont tout « couvert » en soutenant notamment les erreurs de gestion du PMU.

2)      Pour autant enclencher le changement en commençant à redresser la situation : abandon d’Epiq séries, économies et changement progressif d’équipe, montée en puissance d’un plan d’action pour fidéliser et reconquérir, puis à horizon de deux trois ans, développer.

Son discours est juste sur la relance du pari hippique, qui, selon ses propres mots, demande « sagacité et ne ressemble pas aux paris sportifs ».

Ses premières orientations vont dans le sens des constats d’Equistratis comme de nombreux joueurs passionnés, à savoir :

-la simplification de l’offre de jeu

-le recentrage de l’offre de jeu (abandon total ou partiel du hasard), en insistant sur le caractère « intelligent » des jeux hippiques par rapport aux jeux de hasard,

-ainsi que sur l’événementialisation des réunions.

--> Point d’accord avec C. Linette

 

3)    Au-delà, et c’est le sujet en débat actuellement, il a initié un projet drastique de réduction des courses (2721 dont 1636 à l’étranger) dont nous testons actuellement l’impact avec notre modèle économétrique.

Selon les chiffres avancés par C. Linette : 19% de courses en moins, 10% d’enjeux en moins avec un taux prévisionnel de réinvestissement des parieurs de 65%. Ce qui, in fine, ne représenterait qu’une baisse de 3,5% des enjeux.

Nous avons toujours dit, et c’est une des conclusions du modèle qu’il y avait trop de courses et que les horaires avant midi et après 20h conduisaient à des diminutions d’enjeux de plus de 50%.

Cette approche va dans le bon sens (--> Point d’accord avec C. Linette), mais nous évaluons via le modèle économétrique Equistratis l’impact de ces décisions, afin de vous permettre d’avoir une contre-expertise des décisions en cours.

 

4)    Nous travaillons aussi sur l’impact d’autres mesures qui nous semblent devoir être mises en place, comme l’augmentation du TRJ moyen d’un point qui a un effet d’augmentation des enjeux de plus de 5 points.

Sur ce sujet, nous sommes en désaccord avec C. Linette qui reprend le discours convenu de ses prédécesseurs affirmant que l’augmentation du TRJ coûterait plus cher que cela ne rapporterait. Ce discours nie les conséquences positives d’un relèvement du TRJ sur l’attractivité du pari hippique.

--> Point de désaccord avec C. Linette

 

5)      Sur le resserrement des hippodromes premiums à 30 au lieu de 70 aujourd’hui, il n’a pas été clair.

Ses propos tiennent plus d’une volonté de changement structurel du système dans l’optique d’un repli, sous prétexte d’économies et de visibilité pour les parieurs.

Nous craignons que ce flou cache une autre raison, non révélée, celle d’un recentrage du pilotage de la filière autour du PMU et peut-être d’une privatisation.

--> Point de désaccord avec C. Linette


En réalité, il faut absolument préserver le maximum d’hippodromes dans la perspective d’une transmission de la passion hippique et d’une valorisation de ces lieux destinés à attirer du monde et à générer des ressources.

 

6)      Il a, à plusieurs reprises, insisté sur le fait que la marque PMU devait devenir la marque dominante, au détriment même du Trot et du Galop, tout en expliquant qu’un GIE n’était pas un bon instrument pour assurer le développement, investir et emprunter.  


Il est très clair que son objectif est le passage en SA, ce qui permettra de faire entrer des actionnaires (par exemple la FDJ, des fonds d’investissement et des investisseurs privés intéressés par le secteur hippique).

Mais pour y parvenir il faut d’abord rendre rentable ce qui ne l’est plus. D’où sa stratégie qui vise, selon nous, à : nettoyer, rentabiliser avant de privatiser.

Car derrière un passage en SA, il y a très probablement une privatisation.

--> Point de vigilance

 

Déclaration après déclaration, cet objectif se confirme. Les principales victimes en seront les Socio Professionnels et l’abandon du monopole.

Pour l’instant, il insiste sur le fait qu’il travaille pour la filière et il n’a, à aucun moment, plaidé pour l’abandon du monopole qui est évoqué par le rapport de la Cour des comptes (juin 2018).

 

7)      Le rapport de Jean Arthuis devrait sortir dans les tous prochains jours. Il est fort probable qu’il ouvrira le chemin à une possibilité d’aménagement/abandon du monopole.

 Nous avons là tout le débat des prochains mois. Qui, en dehors d’Equistratis, mènera une action visant à préserver l’intérêt général des Socioprofessionnels dans cette hypothèse d’abandon du monopole ?

Si les Socioprofessionnels ne sont pas assez mobilisés autour d’Equistratis, ce combat sera perdu et le modèle français disparaîtra au profit d’un modèle beaucoup plus capitalistique avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour de nombreux socioprofessionnels, hippodromes mais aussi pour les parieurs.

 Ce risque d’abandon du monopole est --> un point de vigilance, avec une tendance de fond sur laquelle il ne se prononce certes pas ouvertement. Mais puisqu’il plaide pour un passage en SA, il ouvre la voie implicitement à un abandon du monopole.

 

8)      Enfin, sur les paris sportifs, C. Linette a repris le discours inexact de ses prédécesseurs en disant que la marge y était nulle, alors que cela occasionne des pertes depuis sept ans (cf. tableau récapitulatif des pertes). Mais est-ce le souci de ne pas stigmatiser les sociétés mères ou la mission qu’il a reçu de préparer le PMU à être transformé en SA afin de pouvoir recourir à l’emprunt, difficile de trancher !

Mais ne pas céder ou a minima filialiser ces activités dès maintenant ce qui aurait pu éviter une réduction du retour Filière constitue --> un point de désaccord avec C. Linette

9)      Dernier point les GPI. En réalité, ils ne rapportent pas 70 m€ C’est l’ensemble des activités export qui rapportent environ 80 M€, car le taux de retour des GPI est supérieur à 100% (cf. rapport de la Cour des Comptes).

Le résultat export vient en fait des autres parieurs étrangers. Et, en plus, les GPI contribuent à réduire le TRJ pour les joueurs français dans la mesure où leurs paris sont intégrés à la masse commune. Ils sont ainsi à l’origine d’un effet d’éviction des joueurs français.

Comme tous nos interlocuteurs l’ont confirmé, il est impossible que Cyril Linette l’ignore. C’est donc la preuve qu’il ménage, là aussi, l’avenir d’un PMU privatisé qui pourrait, peut-être, mieux utiliser ce marché export de GPI …par exemple avec des cotes fixes.

--> Point de désaccord avec C. Linette

 

En conclusion, il y a du bon et du moins bon dans ce qui est en train de se mettre en place.

Alors que les Socioprofessionnels avec Equistratis, ont commencé à faire entendre leur voix pour défendre leurs intérêts bien légitimes, il est plus que jamais important de poursuivre notre action avec vous et pour vous.

 

Cyril Linette : jusqu’où ira sa mission ?

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