Nous avons créé Equistratis sur la base d’une réflexion engagée par le « Groupe de réflexion et d’action pour la pérennité des courses hippiques » inquiet de l’avenir des courses et du monde hippique en général.
Notre conviction est qu’il faut une large mobilisation pour faire face à un déclin persistant, tant pour en comprendre les causes que pour trouver des solutions globales et durables.
Car le modèle français pour protecteur et évolué qu’il soit, ne répond plus aux évolutions du monde : les jeux en ligne, l’internationalisation, les concurrences foisonnantes des autres jeux et une gouvernance multipolaire sans stratégie de long terme unique.
Or le temps manque malgré les quelques décisions qui essayent de corriger la trajectoire par rapport à une tendance de fond qui ne cesse de s’affirmer à la baisse.
Quelles sont les données du problème et le rôle que peut tenir Equistratis pour aider à sa solution ?

1) Le socle de financement de la filière hippique est la somme des enjeux gérés par le PMU, filiale des deux sociétés mères, le Trot et France Galop. C’est la source commune qui irrigue tous les acteurs qui ont un rôle de gouvernance, d’encadrement, de règlementation ou d’animation de la filière.
Ce chiffre ne cesse de décliner pour les paris en dur, à travers les 13000 points de vente du PMU sans qu’il y ait une compensation par les paris on line, eux-mêmes en baisse. Rien qu’en quatre ans de 2014 à 2017, il sera passé de 7,934 milliards € à 6,938 milliards €. Les causes sont multiples, notamment un attrait moindre pour les courses lié à des raisons sociologiques et d’adéquation de l’offre de jeux aux joueurs ou à ceux qui pourraient le devenir.
La baisse tendancielle annuelle des paris est de l’ordre de 250 millions €, soit en moyenne de 4, 5% l’an. Pour 2017, les prévisions budgétaires du PMU tablent sur une remontée de 105 millions €, mais avec une tendance structurelle de chute des enjeux de -350 millions €, du même ordre qu’en 2016 et après des années 2014 et 2015 à -200 millions €.
Autant dire que les mesures et les facteurs compensatoires prévus par le PMU pour enrayer le déclin actuel risquent de ne pas se produire simultanément, si tant est que les évaluations ne soient pas, comme souvent, optimistes ou tout simplement théoriques.
Par exemple, le PMU prévoit une augmentation des paris de 53 millions € grâce à des évènements conjoncturels et de 45 millions € suite à la baisse du taux de chômage. Ou encore des actions réseau ou le développement de PMU city qui produiraient 88 millions € de nouveaux enjeux !
Sans vouloir taxer d’hyper-optimistes les prévisions du PMU fondées sur les recommandations du rapport McKinsey, il faut craindre que 2017 connaisse une nouvelle année de chute des enjeux en dur, de l’ordre d’au moins 200 millions €, tant la tendance de fonds est lourde et la pharmacopée des remèdes incertaine.
Il serait d’ailleurs intéressant de porter à la connaissance de tous, le contenu dudit rapport McKinsey, tellement secret que très peu de responsables en ont eu connaissance. La très probable poursuite du déclin risque d’ailleurs de le déclasser aussi vite qu’il aura été présenté comme la solution à tous les maux. Ce rapport et les prestations facturées par McKinsey ont cependant un coût évalué à 1,8 million €, financé par le montant des enjeux en 2016 et 2017 !

2) La diversification de l’offre de jeux est aujourd’hui clairement en échec. Elle a conduit à une dilution de la masse globale des paris qui a mécaniquement réduit les gains et par conséquence affaibli l’intérêt des paris pour les joueurs.
Phénomène aggravant pour l’attractivité des jeux, la chute des enjeux et donc du chiffre d’affaire global pour le PMU a été compensée par l’érosion régulière du Taux de Retour Joueur (TRJ), c’est-à-dire les gains que les joueurs retirent collectivement des paris hippiques.
Ainsi, en 2016, la baisse des enjeux off line et online a été de 319 millions €. Celle de l’export, le seul domaine en croissance mais avec une marge nette limitée, a augmenté de 128 millions €. Et donc, à quelques ajustements près, la baisse totale des enjeux hippiques par rapport au budget 2016 initial aura été de 186 millions €.
La compensation de la chute des enjeux a été presqu’intégralement assurée par la baisse du Retour Joueur, à savoir de 183 millions €. Le TRJ global se situe désormais à 72,8% des enjeux, soit à un taux honorable.
Mais ce n’est qu’une moyenne qui cache des disparités fortes et lourdes de conséquences :
Le TRJ est de 84% pour le Simple, de 73% pour le Couplé. Cependant il est tombé de 62% à 67% pour tous les autres jeux. Lorsque l’on sait que le Simple et le Couplé ne représentent que 40%, on comprend que la diversification de l’offre de jeu est plombée par un TRJ en constant déclin.
Par comparaison, les retours parieurs pour les paris sportifs et le poker sont respectivement de 81,7% et de 97,3%. Mais la rentabilité de ces jeux pour le PMU est beaucoup plus faible, voire en réalité négative, si l’on tient compte des investissements importants pour les développer. Ce sont donc les ressources des paris hippiques qui assurent le financement de ces jeux. C’est pourquoi il faut se garder de faire croire que les paris sportifs et le poker vont compenser la chute des paris hippiques.
Comment imaginer que l’on pourra durablement réduire ce Taux de Retour pour les Joueurs comme variable d’ajustement de la baisse des enjeux ?
On est proche du seuil de rupture, à partir duquel les paris seront moins attractifs, quelles que soient les innovations apportées sur les types de jeu ou les bonus conjoncturels.
Cela ne veut pas dire que les efforts entrepris sont vains. Ils sont nécessaires, mais ne constituent que l’amorce d’un véritable plan stratégique de relance de la filière hippique qui mobilise tous les acteurs : parieurs, propriétaires, éleveurs et entraineurs, sociétés mères et PMU, mais aussi à l’Etat.

3) N’oublions pas que le budget de l’Etat recueille chaque année sous forme de prélèvements des sommes non négligeables : 851 millions € en 2016, en repli par rapport à 2015 et aux années antérieures. Il faut être conscient que l’Etat n’acceptera plus très longtemps l’érosion de ces ressources budgétaires. Tout comme il n’est pas concevable que les sociétés mères, le Trot et le France Galop, qui reçoivent ensemble et à parts égales un montant presqu’équivalent (790 millions € en 2016), continuent de s’enfoncer dans des déficits abyssaux :
- En 2016, pour le Trot - 48,8 millions € (soit 12% du produit des paris affectés au trot ou plus prosaïquement 12% du chiffre d’affaires) et – 33,5 millions € pour France Galop,
- Et des prévisions tout aussi catastrophistes en 2017, -41,1 millions € pour le Trot
- 28 millions € pour France Galop.
Quand on constate que les encouragements se sont maintenus dans les deux filières après des augmentations significatives en valeur brute ces quinze dernières années, on arrive aujourd’hui à une limite absolue qui fait dire et croire à beaucoup que seul l’Etat peut faire quelque chose.
Car les encouragements n’augmenteront plus et les réserves financières, voire immobilières des sociétés mères, ne permettront plus de faire face très longtemps.
Certains annoncent une rupture de trésorerie à horizon d’un an. Tout va dépendre des perspectives de relance de la filière auxquelles nous souhaitons contribuer dans une approche collaborative, ainsi que nous le précisons dans la suite de cette tribune.
Quant à l’aide de l’Etat, elle est loin d’être acquise surtout dans le contexte actuel. En effet, le déficit budgétaire de la France ne peut plus s’accroître. Et tout laisse à penser que le prochain gouvernement poursuivra l’œuvre d’assainissement entamée depuis peu dans un environnement sécuritaire qui donnera la priorité à la lutte contre le terrorisme et la défense. Autant dire qu’il y a fort à parier que la TVA risque d’augmenter et que les ressources de l’Etat seront optimisées partout où elles pourront l’être.
Donc attendre de l’Etat qu’il sauve la filière hippique, sans réforme en profondeur qui la redynamise, relève à notre sens de l’illusion coupable.
En revanche, être à même de construire un scénario du renouveau auquel l’Etat sera partie prenante en agissant collectivement par l’intermédiaire d’un mouvement puissant et cohérent autour d’un projet fédérateur est la solution qu’il faut construire. Le temps est compté. Il faut être prêt à entamer ce processus de relance avec l’arrivée du nouveau gouvernement en Juin 2017.
C’est le but d’Equistratis, organe de réflexion et d’action indépendant qui a été bâti pour servir l’ensemble de la filière, en toute transparence et en s’appuyant sur le savoir-faire d’une équipe pluridisciplinaire rodée à ces challenges en période de crise.

4) Nous avons entamé à l’automne 2016 notre programme de travail. Il consiste dans un premier temps à modéliser les facteurs influant sur les enjeux afin d’améliorer la programmation des courses et de maximiser les enjeux.
Cette approche est complexe mais elle n’a jamais été faite ou à tout le moins communiquée aux acteurs de la filière. Elle doit préexister à tout processus de changement au risque, sinon :
- de ne pas mesurer l’impact de telle ou telle décision,
- et, en tout état de cause, de ne pas réussir à faire adhérer les acteurs concernés aux réformes nécessaires.
Notre modèle est quasiment achevé même si quelques compléments doivent encore être adoptés et testés d’ici Février. Nous serons en mesure au printemps de déterminer les scénarios les plus utiles. Les corrélations que nous avons obtenues sur les courses des années 2014, 2015 et 2016, soit un peu plus de 45 000 courses pour le trot et le galop, sont de très bonne qualité. Elles nous permettront de procéder à des simulations multiples concernant le type de courses, le nombre de partants, la longueur de la course, le calendrier, le montant du prix … .
Nous entamerons alors une analyse comportementale, afin de mieux cerner les attentes des joueurs, leurs critiques et, au-delà, les voies d’élargissement à de nouveaux parieurs.
Nous sommes, en effet, convaincus qu’il existe un important gisement de développement à conquérir. Encore faut-il le mesurer et ne pas surinvestir dans des voies qui ne seraient pas porteuses.
Parallèlement et c’est un autre aspect de notre savoir-faire, nous travaillons sur les analyses financières et organisationnelles des différentes entités du secteur, PMU, sociétés mères, sociétés de course et autres acteurs pour identifier quelles réformes, respectant les rôles et responsabilités de chacune, pourraient être imaginées.
Nous achèverons cette période préliminaire d’évaluation, de diagnostic et de propositions d’actions par la recherche de nouvelles voies d’animation et de valorisation en particulier des hippodromes qui, certes nombreux, n’en constituent pas moins une richesse en termes d’image et de communication.

5) Nous sommes en relation avec les responsables du Trot et de France Galop. Certaines questions tenant à notre légitimité et au double emploi que nous ferions avec notamment McKinsey, sont posées.
Notre légitimité, nous la tenons du mouvement qui a été initié avec la création d’Equistratis et qui ne cesse de s’amplifier chaque jour par des adhésions de plus en plus nombreuses : des professionnels et des entrepreneurs dans leur plus grande diversité, des turfistes de tous profils, des présidents et bénévoles d'hippodromes de toutes régions, autrement dit tous les acteurs de la filière dont l'investissement quotidien ne se dément pas, et dont nul n'aurait l'audace de nier les motifs d'inquiétude.
Nous la tiendrons aussi des travaux que nous menons et que nous ferons partager largement.
C’est-à-dire que nous irons bien au-delà de la simple remise d’un rapport, si tant est que le contenu du rapport de McKinsey soit comparable. En cela, il est évident que nous ne faisons pas double emploi avec quiconque. Notre fonction est de réfléchir aux aspects stratégiques, de définir des solutions et de les mettre en œuvre grâce à notre action de conviction et d’influence.
Je suis enfin très inquiet de constater que la majorité des acteurs de la filière ne sont pas informés de la réalité de la dégradation économique des jeux hippiques. Il y a un déficit de transparence sur les données des courses qui n’est plus acceptable car c’est l’avenir de milliers de petites entreprises qui est en jeu.
Face à l’ampleur des enjeux économiques, sociaux et territoriaux, nous avons le devoir de travailler collectivement. Encore une fois, le propos d’Equistratis n’est pas d’accuser tel ou tel, mais de contribuer à stopper la fuite en avant, d’informer les acteurs de la filière et de leur redonner espoir. Et nous espérons que les responsables d’aujourd’hui sauront apprécier à leur juste valeur les analyses et les propositions que nous leur apporterons.
Jacques CARLES
Délégué général d’Equistratis
Président de Carles et Associés
