Jacques Carles : “Je crois en l'avenir des courses...”
Interview réalisée par Jean-François Meyer et publiée par Paris Turf (édition du 29 novembre 2017)
Rallié par sept cents adhérents et non des moindres, quelles que soient les spécialités, mais aussi critiqué par certaines instances dirigeantes mais aussi des socioprofessionnels, le groupe de réflexion a permis de mettre en lumière de très nombreux problèmes sur la filière équine, en danger, compte tenu de la forte baisse des enjeux depuis 2012. Le délégué général d'Equistratis, Jacques Carles a fait le point au moment de cette date anniversaire.
Equistratis est né il y a un an. Quel bilan tirez-vous de votre action ?
Jacques Carles. En un an, nous avons mené une analyse approfondie de la filière hippique, formulée sept grandes propositions de réforme (voir le rapport du 24 juillet sur le site www.equistratis.org) et construisons un modèle d’optimisation des courses.
Après quelques mouvements d’humeur bien compréhensibles de ceux qui se sentent responsables de la situation, notre analyse n’a pas été réellement remise en cause. Nous n’avons eu aucun démenti sérieux. Nous recevons chaque semaine des témoignages, confirmant les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Notre action a permis d’informer les socioprofessionnels et les turfistes qui sentaient intuitivement les problèmes, notamment la profonde crise financière que vit l’institution des courses, sans avoir accès aux sources d’information.
Les critiques que nous pouvons entendre portent la plupart du temps sur le coût d’Equistratis et sur les « ambitions » que vous pourriez avoir au sein de la filière.
Le travail que nous menons est financé par les adhésions, par des soutiens particuliers et par des ventes de saillies. Le coût global représente moins de 0,5% des coûts d’exploitation des paris sportifs et poker et le tiers du montant consacré en 2017 à l’étude, nécessaire mais limitée à la refonte du calendrier des courses. Mais en réalité, ceux qui sont à l’origine de ces questions sont ceux que notre action dérange.
Quant à mes ambitions, je le répète, elles se limitent à la réussite de la mission qui m’a été confiée. La filière doit être gérée par les socio-professionnels. Je n’en suis pas. En revanche il n’est pas impossible que des adhérents d’Equistratis aient envie de s’impliquer dans les Sociétés Mères dans les années à venir. Cela leur appartient.
Depuis quelques semaines, vous rencontrez des personnes dans les différents ministères. Comment réagissent-t-ils ?
Nous sommes agréablement surpris par l’écoute attentive de nos interlocuteurs dans les ministères sur la nécessité de rompre avec certaines pratiques anciennes et à agir dans le sens d’une meilleure rentabilité des activités gérées par le PMU. Le départ de Xavier Hürstel offre, à l’évidence, l’opportunité de faire entrer un professionnel « business oriented » et ayant l’expérience du redressement de structures en difficulté. Il est clair que nos élus, députés et sénateurs, peuvent également avoir un rôle à jouer.
En revanche, nous avons été étonnés par l’ampleur de la désinformation sur la filière hippique selon laquelle les courses n’avaient plus d’avenir, d’où les investissements massifs du PMU dans d’autres activités, … avec les ressources de l’hippisme !
De manière plus générale, les échanges que nous avons depuis la publication de notre rapport démontrent que notre travail a la vertu de proposer une vision alternative à celle que le PMU a imposée au cours des dix dernières années.
Notamment la nécessité d’optimiser la programmation des courses, un sujet central. Que peut apporter votre modèle ?
D’après nos informations, la SECF a fait travailler une équipe sur la recherche d’une amélioration de la programmation des courses au Trot.
Dans l’intérêt de la filière, il serait intéressant que nos équipes se rencontrent. Il reste également à travailler sur les jeux qui sont devenus trop nombreux et qui ne facilitent pas l’entrée de nouveaux joueurs.
Equistratis a bâti un modèle économique relatif aux deux spécialités permettant d’optimiser les enjeux (toujours voir rapport du 24 juillet).
Notre modèle fonctionne. Au titre des premiers résultats : des corrélations extrêmement claires entre le montant des paris et les taux de retour joueur, les horaires des courses, le nombre de partants … . À cet égard, une augmentation d’un point du TRJ dans notre modèle donnait dès le mois de juillet des résultats très proches de l’impact relevé de la hausse du TRJ sur le simple réalisé par le PMU au cours du 1er semestre.
D’où l’intérêt de faire très attention à ce Taux de Retour Joueur, qui a permis de masquer la réalité de la chute des paris depuis plusieurs années ?
Oui pour compenser la baisse des paris hippiques, et par conséquent le manque à gagner pour le budget de l’Etat et les Sociétés Mères, il a été décidé, au cours des années passées, de réduire le taux de retour joueur. Les joueurs s’en sont aperçus rapidement, d’où leur désaffection pour les jeux touchés, ce qui a aggravé la dynamique de baisse des enjeux. Ces décisions ont été clairement contre-productives.
Une autre voie aurait été de réduire les coûts d’exploitation du PMU et de stopper les activités déficitaires et bien évidemment de travailler sur la programmation des courses.
Vous voyez bien que les raisons de la crise actuelle sont à chercher du côté des choix stratégiques passés, davantage que du côté de la seule sociologie des joueurs.
Dernièrement au cours d’une de vos réunions sur l’hippodrome d’Alençon, des personnes se sont interrogées sur votre action ? Et sur les moyens que vous pouviez mettre en œuvre pour faire évoluer la situation ?
Vous pourriez aussi ajouter que certains s’évertuent à nous diaboliser. Il ne se passe pas une semaine sans que nous apprenions qu’un tel a appelé tel socio-professionnel ou tel responsable politique…. pour le mettre en garde contre nous. C’est classique lorsque vous essayez de faire évoluer les choses. C’est aussi la preuve que notre travail a déjà commencé à faire bouger les lignes, sinon il n’y aurait pas une telle énergie dépensée à notre encontre !
D’ailleurs, je pense que plusieurs de nos propositions rencontrent d’ores-et-déjà un écho favorable et pourraient prochainement déboucher sur des décisions qui iront dans ce sens.
Nos moyens ? La qualité de notre travail et notre pertinence face aux problèmes posés, ainsi que le soutien des adhérents et de nombreuses personnalités de l’hippisme. Et enfin la volonté chevillée au corps de réussir notre mission.
